Dans une récente interview accordée à nos confrères de Sud Quotidien, Alain Sembène, fils du célèbre cinéaste Ousmane Sembène, dresse un bilan de l’industrie cinématographique sénégalaise. Celui qui a grandi à côté du pionnier du cinéma en Afrique, analyse la dynamique actuelle tout en identifiant les principaux défis à relever et l’héritage laissé par son père.
Alain Sembène débute son propos en mettant en exergue l’énergie renouvelée que connaît le cinéma au Sénégal. « Dakar est aujourd’hui un véritable vivier de nouvelles énergies, avec l’ouverture de nombreuses salles qui mettent à l’honneur les productions locales », explique-t-il. Cependant, il reconnaît que des obstacles financiers et structurels demeurent, malgré les efforts pour trouver des solutions novatrices au financement des films et à la pérennisation de cette industrie culturelle.
Parmi les défis cités par Alain figurent le financement des films, l’accès aux salles en dehors de Dakar et la nécessité de former les jeunes talents. « Il reste impératif de multiplier les salles sur l’ensemble du territoire pour donner à chaque citoyen la possibilité de découvrir les œuvres sénégalaises », soutient-il. Il plaide aussi pour le renforcement des mécanismes financiers comme les fonds de garantie et les crédits d’impôt, ainsi que pour l’augmentation des écoles de cinéma pour soutenir la formation de la nouvelle génération de réalisateurs.
En évoquant l’évolution du cinéma depuis l’époque de son père, Alain Sembène se dit fier de l’héritage laissé par celui-ci. « Mon père utilisait la caméra pour induire une réflexion sociale, abordant des sujets intenses avec une sincérité rare », rappelle Alain. Si ces thématiques demeurent dans le cinéma national, il note une diversification des genres cinématographiques qui offrent de nouvelles perspectives.
Les progrès technologiques ainsi que les collaborations internationales ont permis aux œuvres sénégalaises d’obtenir une meilleure visibilité à l’échelle mondiale. Alain Sembène mentionne aussi le soutien de l’État, nombrant le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (FOPICA) comme un instrument qui alimente le secteur, même si des améliorations restent nécessaires.
Alain évoque également des souvenirs marquants du tournage de « Camp de Thiaroye », l’un des films les plus marquants d’Ousmane Sembène. Il raconte l’atmosphère vibrante qui régnait sur le plateau, sensation partagée par l’ensemble des acteurs africains impliqués. Malgré son succès critique, le film a rencontré des obstacles importants, comme l’interdiction de diffusion en France durant dix ans et sa censure au Sénégal pendant trois ans. Toutefois, sa récente restauration numérique, avec l’appui de la Fondation de Martin Scorsese, a permis de renouveler l’intérêt autour de cette œuvre essentielle.
Selon Alain, les thèmes abordés dans « Camp de Thiaroye », tels que les séquelles du colonialisme, la quête de justice sociale et le racisme institutionnel, conservent toute leur pertinence. Ces lignes directrices historiques et sociales font du film un classique intemporel toujours d’actualité.
Alain Sembène plaide pour la préservation de l’héritage cinématographique de son père et des pionniers du cinéma sénégalais. Selon lui, il est vital de maintenir l’identité culturelle sans se laisser diluer par les coproductions internationales. « Protéger la culture cinématographique sénégalaise à travers des lois est crucial pour soutenir des histoires profondément enracinées dans notre identité », insiste-t-il.
Pour finir, Alain Sembène exprime un optimisme quant à l’avenir du cinéma sénégalais. « Je suis convaincu qu’avec une bonne dose d’ingéniosité et de passion, notre cinéma pourra non seulement survivre, mais aussi prospérer et faire rayonner le Sénégal à travers le monde », conclut-il. Il appelle à une mobilisation collective pour transcender les obstacles et faire résonner les récits sénégalais sur la scène internationale. Ce propos inspiré a été rapporté par nos confrères de Sud Quotidien.
Abdou Nar Dia.
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