Dakar: le business des marchands ambulants autour des embouteillages (Reportage)

Comme dans presque toutes les capitales des pays du monde, Dakar regorgent de voitures que ce soient des particuliers ou des véhicules de transport public. Cette pléthore de véhicules combinée à l’insuffisance d’infrastructures routières adéquates mais aussi au comportement de certains conducteurs, sont à l’origine des bouchons notés çà et là à travers la capitale, surtout aux heures de pointe. Une situation qui indispose chauffeurs et passagers à bord. Car les embouteillages peuvent durer parfois plusieurs minutes. Cependant, à côté de ces usagers de la route qui grognent, il y a des gens qui souhaitent qu’il y ait des bouchons en permanence pour qu’ils puissent écouler leur produits. Comme qui dirait “le malheur des uns fait le bonheur des autres”. Ceux-là, ce sont les marchands ambulants. Dans ce reportage que nous avons réalisé sur l’autoroute Dakar-Yoff au niveau de l’autopont Sénégal 92 devenu autopont de l’Émergence, nous avons rencontré quelques-uns de ces vendeurs à la sauvette, qui semblent être les seuls que les embouteillages enchantent.

Notre premier interlocuteur s’appelle Ousmane. Il vend des boîtes de mouchoirs pour voiture. Il a fallu qu’on le suive dans ses va-et-vient durant un moment, pour qu’il sorte quelques morts de sa bouche. La trentaine dépassée et de taille moyenne, l’homme au teint noir et d’une corpulence assez importante, dit n’avoir rien vendu depuis 6h du matin. A ce moment, il était 18h passées de quelques minutes à notre montre. « Je fais ce travail parce que je ne veux pas voler. Ce n’est pas évident de circuler sur la chaussée avec les voitures », lance-t-il avant d’interpeller un conducteur qui venait juste de garer à nos pieds. Mais aussitôt après la voix est dégagée et le véhicule avance. Il guette la prochaine voiture. Visiblement très occupé par son activité, il nous demande d’aller voir les autres au moment où nous voulions entrer avec lui dans le fond du sujet.

A quelques pas se trouve un autre jeune marchand ambulant. Il se nomme Cheikh et a 25 ans. Il vend de l’arachide, des dates et autres aliments qu’il a mis en sachets. Petit de taille et mince, il est de teint noir. Trouvé assis sur la dalle qui sépare les deux sens de l’autoroute, il à l’air fatigué. Après quelques minutes d’échange, il accepte de nous parler de son business. « Je commence à 7 heures du matin. Quand le marché est bon, je peux rentrer avec 10 000, ou 12 000 F CFA. Mais quand je fais tous mes frais, il ne me reste pas beaucoup. Mon bénéfice moyen quotidien est entre deux mille et 3000 F CFA. », confie-t-il d’emblée. Lorsque nous abordons les embouteillages, il est aisé d’ en parler. « On profite des embouteillages pour proposer notre marchandise aux conducteurs. Donc, il faut qu’il y ait bouchon et que les véhicules s’immobilisent pour qu’on puisse vendre. Parfois je souhaite même que le pont s’écroule (il le dit en souriant) pour qu’il y ait une longue file de voitures en attente. Cheikh se retrouve dans son business et dit se sentir bien dans cet environnement. Mais il lui arrive des fois de rentrer sans le moindre bénéfice.

Non loin de Cheikh, on tombe sur Touré. Il a 30 ans. Lui aussi est de teint noir. Il n’est ni grand ni petit. Il vend des tapis pour la prière. « Nous venons vendre ici car y a des gens qui ont besoin des articles que nous vendons, mais ils n’ont pas le temps d’aller les chercher au marché. Du coup, ils profitent de ces moments en voiture pour faire certains achats. Vous savez il y a beaucoup de vendeurs dans les marchés et y’en a aussi qui circulent dans les rues. Il est difficile d’écouler sa marchandise dans ces conditions. Par contre ici, on arrive à vendre notre marchandise », nous dit-il. Pour Touré, Dieu a décidé que la chaussée soit leur lieu de gagne pain. A l’en croire, il y a des gens qui ont maintenant leurs magasins et d’autres qui ont voyagé et pourtant ils faisaient ce que lui et ses amis font actuellement. Mais contrairement à Cheikh, Touré refuse de nous révéler ces bénéfices.

Modou Khouma est le dernier marchand ambulant que nous avons rencontré. Et comme le premier intervenant, Ousmane, il nous a parlé dans la précipitation. Il vend des articles pour voitures. Il est de taille courte et à 30 ans comme Touré. « Si je fais ce travail c’est parce que je n’ai pas d’autre chose à faire. Ce n’est pas aisé cette vente à la sauvette au milieu des voitures. De plus, les revenus sont maigres. Je n’ai vendu la moindre boîte (il nous montre une boîte de mouchoirs) depuis ce matin. La réalité c’est qu’ici, il n’y a rien du tout. Si j’avais d’autre chose à faire, je quitterai ce job aujourd’hui même. », déclare-t-il.

Si les avis divergent sur les revenus, ces jeunes marchands ambulants qui viennent pour la plupart de l’intérieur du Sénégal, sont unanimes et conscients du danger et des risques du travail qu’ils ont choisi. Et dans ce contexte de covid-19, ils essayent tant bien que mal de respecter les mesures barrières. Même s’ils assurent que la pandémie n’a pas beaucoup impacté sur la marche de leur business autour des embouteillages.

Coumba Nodffène DIOUF