Daouda Ka, un intime compagnon méconnu du Professeur Cheikh Anta Diop

Il y a des gens qui méritent de sortir de l’ombre. Nous espérons que ces lignes puissent contribuer à faire connaitre cet homme de valeur et grand témoin des recherches archéologiques menées par l’érudit Cheikh Anta Diop au public sénégalais et africain. Il s’agit du doyen Daouda Ka. Nous avons pu rentrer en contact avec lui à travers l’imam Abdou Samad Ndiaye et son homme de confiance, l’imam Pape Diop, tous deux, également compagnons du Professeur Cheikh Anta Diop. Ce sont ces deux hommes qui m’ont pour la première fois, parlé de Daouda Ka, qui selon eux a beaucoup côtoyé le chercheur et aurait même passé des nuits avec lui. Ayant voulu en savoir plus, j’ai décidé de prendre contact avec cet homme pour une visite afin de recueillir ses témoignages. Nous voulons aussi à travers ces lignes offrir une source de témoignages précieux à d’autres chercheurs s’intéressant aux travaux de l’égyptologue Sénégalais.

Daouda Ka est un vieil homme très sympathique qui habite à Niague, non loin des lacs roses. Ce jeudi 10 février 2022, l’imam Abdou Samad en compagnie de son alter égo, à savoir l’imam Pape Diop, tous deux qui furent jeunes sympathisants et même compagnons de l’homme politique Cheikh Anta Diop, nous a pris dans sa voiture en direction du domicile du vieil homme. C’est l’imam Abdou Samad Ndiaye qui nous conduisait. Nous sommes arrivés chez lui vers 17h21. Le vieux nous accueillit à bras ouverts sur une natte. Il demanda les raisons de notre visite. Par l’intermédiaire de l’imam Traoré, je lui fis savoir que je désirais en savoir plus sur son compagnonnage avec Cheikh Anta Diop. Ne comprenant pas bien la langue wolofe, c’est l’imam Traoré qui se proposa volontairement comme interprète en traduisant chacune de nos phrases respectives.

À l’entame de nos échanges, je lui ai demandé comment il avait connu Cheikh Anta. Il me fit savoir qu’il le connut à travers ses travaux de recherches archéologiques vers les lacs roses vers les années 1975. L’historien qu’était Cheikh Anta, y venait et creusait pour savoir ce qu’il pourrait trouver. C’est lui qui l’aidait à ramasser les objets qu’il emportait. Il était devenu en quelque sorte, son assistant lors des fouilles. Pour lui, Cheikh Anta avait acquis la connaissance des étoiles. Quand il venait aux lacs roses, il ramassait les cassures et les vestiges des canaris. Le chercheur lui demandait aussi de ramasser les vestiges des habitations de plus de 100 ans, s’il pouvait les reconnaitre. Ils ont ainsi cheminé de 1975 à 1986.

Selon lui, il venait parfois la nuit et scrutait les étoiles. Il lui arrivait même de mesurer la distance entre l’étoile et la terre. Il m’a dit que Cheikh Anta lui avait demandé pourquoi il y a autant d’eaux dans cet endroit. Il lui avait répondu arrivait à leur emplacement et s’était retirée. Celui-ci lui aurait conseillé de ne pas trop se rapprocher des lacs au 21 ème siècle. Il le dissuadait aussi de creuser au bord des rivages. Il nous fit savoir que c’est grâce à conseils avisés du chercheur que les gens ont construit la bande des filaos.

Il nous a affirmés que Cheikh Anta Diop lui avait dit que les Noirs dirigeaient le monde. Mais c’est par la paresse qu’ils sont aujourd’hui en arrière. L’égyptologue lui aurait fait savoir que les blancs ne sont pas en avance sur les Noirs. En réalité, ce sont les Noirs qui refusent la recherche. Cheikh Anta Diop lui aurait ainsi confié que les Noirs sont aujourd’hui en retard en partie à cause de leur paresse intellectuelle.

Ce qui a marqué le vieux Daouda Ka dans sa relation avec Cheikh Anta Diop, c’était sa générosité. Il nous a révélés que, chaque fois qu’il rentrait au bureau du chercheur, celui-ci lui remettait 50.000FCFA à cette époque. À l’époque des années 1970, il est bon de souligner que la somme de 50.000F représentait une fortune ! Il nous fit savoir que Cheikh Anta Diop ne se lassait pas d’aider les gens qui faisaient une longue queue devant son bureau. Ce qui l’étonnait -et nous ne manquions pas de constater cet étonnement à travers son expression corporelle-, c’est ce que le chercheur parvenait à aider tous ceux qui le sollicitaient pour une aide. Son bureau était ouvert et il ne chassait personne. Pour ce qui est de la politique, il nous fit savoir que Cheikh Anta Diop lui disait qu’on devrait la faire pour servir la communauté et non se servir.

Il nous a faits aussi savoir que ce grand chercheur Africain fabriqué une montre dans son bureau et qui marchait. Les étudiants venaient d’ailleurs pour la contempler. Il nous fit savoir que même ses détracteurs occidentaux qui le trainaient la journée dans la boue venaient discrètement rechercher ses connaissances dans son bureau.

Le savant lui a dit que les Noirs ne devraient pas abandonner deux choses : l’agriculture et l’élevage. Il conseillait également aux jeunes Africains de ne pas abandonner leurs us et coutumes.

Puisqu’il avait été si proche du chercheur, nous avions profité pour lui demander quels étaient les rapports de ce dernier avec la religion. Il nous a dit que Cheikh Anta Diop n’avait jamais raté une heure de prière. Il nous révéla qu’en plus de maitriser le Coran, ce chercheur jeûnait chaque lundi. Il lui arrivait même de réciter très fréquemment le Saint-Coran devant lui. Il nous a fait savoir que Cheikh Anta Diop avait un respect profond pour la religion. Il respectait l’homme au sens général, qu’il soit femme ou enfant.

Ce vieil homme voue une admiration profonde à Cheikh Anta Diop. Il nous fit savoir qu’il ne pouvait en aucun cas attribuer des propos au chercheur qui ne sont pas de lui. Son honneur l’empêche d’ailleurs de mentir sur quelqu’un qui qui est décédé. Nous avons dû malheureusement quitter ce vieux aux environs de 18 heures avec l’espoir d’y revenir.

Auteur :

ASANTE Harouna

Chercheur indépendant