Entre l’État et le citoyen, le rôle d’interface de l’Administration publique (Par Mouhamadou Sarr)

L’utilitas communis antique, qui désigne l’intérêt du peuple, la « chose publique » est assimilé au service public qui est le cordon ombilical reliant le pouvoir politique aux citoyens. Il est un puissant fondement de la construction étatique, sinon un des piliers incontournables de l’architecture de l’État différent des réalités du secteur privé.

En effet, l’esprit de lucre de l’entreprise privée s’oppose à l’altruisme et au désintéressement des organisations publiques.

La première citée est à la recherche du profit contrairement à l’administration publique qui vise le bien-être du citoyen. La définition stratégique des politiques publiques des gouvernants et de leur exécution par les fonctionnaires est un devoir, une charge que l’on accepte d’assumer pour le bien de tous. Au sommet de l’État, le pouvoir n’est pas un privilège et n’est légitime que lorsqu’il s’exerce au profit des citoyens. De même, au sein de l’administration publique, la responsabilité du service public doit être portée par l’ensemble des agents recrutés à cet effet.

Nous avons souvent tendance à nommer la presse comme quatrième pouvoir après la classification classique confondante des trois pouvoirs comme l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il y a lieu de se demander si l’on n’en oublie pas un autre qui repose sur l’Administration !

Le pouvoir administratif parlons-en.

Le pouvoir administratif est le trait d’union entre le pouvoir politique et les citoyens. Nelson Michaud appelle cela les fonctions d’« impération » et d’ « exécution ».

L’« impération » renvoie à la fonction gouvernementale et l’ « exécution » à l’administration publique.

Bezes conçoit l’administration publique comme une interface entre les gouvernants et gouvernés. L’administration publique va être au contact des différents groupes. Pour Bezes, la définition simpliste que Von Stein et Chevalier donnent à l’administration publique est inacceptable du point de vue complexe de la fonction d’exécution du pouvoir administratif. L’administration n‘est pas simplement le bras armé du pourvoir politique puisqu’elle a une autonomie, un pouvoir de mise en œuvre et d’intermédiation.

L’administration publique est une entité sociale très particulière qui, en aucun cas, ne peut être comparée à d’autres formes d’organisation.

Les caractéristiques d’une administration publique sont multiples et diverses.

La stratégie définie dans le monde des affaires est toute différente de celle poursuivie dans les organisations publiques. En effet, ces organisations sont généralement sur plusieurs fronts, à la fois au niveau des objectifs stratégiques qu’elles vont se fixer mais également au niveau du cadre réglementaire et budgétaire qui régit leurs actions.

Son rapport avec les bénéficiaires : une société privée a comme cible les clients et est en quête sans cesse d’intérêt qui sans doute profitera à des particuliers   or les administrations publiques ont en charge les citoyens qui ont comme dénominateur commun l’égalité.

Pour comprendre cette exigence, il y a lieu d’évoquer les fondamentaux du contrat social de Jean Jacques Rousseau.

La souveraineté est la volonté générale. Cette souveraineté s’incarne dans le corps politique et administratif.

Afin de lutter contre des groupes d’individus voulant accaparer la volonté générale et la détourner à leur profit, Rousseau a vu dans la fonction du législateur une institution uniquement orientée vers le bien commun.

L’administration publique doit seulement viser l’intérêt commun et mettre sur le même pied tous les citoyens par rapport aux biens et services publics comme le proclame la constitution du Sénégal qui, dans son préambule, prône « l’égal accès de tous les citoyens aux services publics ».

Les organisations publiques s’inscrivent dans une particularité tout à fait différente du système capitaliste   par leur finalité, qui est la satisfaction de l’intérêt général (éducation nationale, de santé, de sécurité, de justice, d’action sociale …), c’est-à-dire des besoins sociaux qu’une activité privée lucrative ne cherche pas forcément à satisfaire. Ainsi, la finalité d’une administration publique est d’assurer le fonctionnement des organisations publiques qui ont en charge la fonction d’exécution des différentes politiques publiques définies et portées par le pouvoir politique.

Au quotidien, les citoyens se rendent dans les services déconcentrés et décentralisés pour bénéficier de biens et services publics. Malheureusement, la satisfaction n’est pas toujours au rendez-vous en raison de l’ignorance de la mission de service public de l’Administrations publique ou de l’esprit partisan de certains de ses agents.

Les rapports avec les citoyens ne doivent en aucun cas souffrir d’aucune opacité puisse que l’expression « publique » qualifie ces organisations ainsi que ses agents en exercice.      

C’est pourquoi la justice illustre bien cela car elle constitue un bien social fondamental qui garantit l’égalité entre les citoyens et, de ce fait, contribue à la stabilité d’une nation. Elle ne pourrait être confiée à une quelconque entité privée quel que soit ses moyens.

La continuité, l’égalité, l’équité et l’adaptabilité sont pour tout le système de la gestion publique des concepts immuables protégés par la loi elle-même.

Il est important de parler des principes d’équité et d’adaptabilité.

L’équité d’abord : est une caractéristique très importante pour les gestionnaires publics. Il suffit juste de se rendre dans les services administratifs pour constater à quel point ce principe n’est pas respecté dans les organisations publiques. Si on devait citer un seul exemple, ce serait celui des personnes en situation de handicap exposées en l’absence de rampes dans les dispositifs de construction.

Un pays comme le canada a pratiquement intégré dans tous les services publics et même dans le privé les besoins des personnes en situation de handicap. Cela s’étend jusqu’au système de transport qui prend en compte le principe de l’équité.

La communication publique : elle est l’instrument primordial pour mener à bien cette mission d’interface entre les États et les citoyens.

Pour une démarche participative afin d’éviter la non appropriation des projets publics, la communication publique est un outil préconisé par les gestionnaires du secteur public. La communication publique est une communication d’intérêt général conçue par les administrations, les collectivités territoriales et les organismes publics. Elle s’adresse à l’ensemble de la population : citoyens, habitants, contribuables, usagers des services publics.

Elle est différente de la communication dite politique qui est au cœur du débat politique et des campagnes électorales.

La première mission de la communication gouvernementale est faire comprendre aux citoyens les différentes politiques publiques définies par le pouvoir politique. Le gouvernement est tenu d’informer les citoyens sur toutes les actions entreprises et décisions.

Ensuite l’adaptabilité : le service public doit constamment s’adapter aux changements. Le monde change et des événements surviennent à tout moment. Nous sommes à l’ère de la gouvernance numérique.

Le monde actuel est marqué par des technologies auxquelles nous n’aurions pu imaginer et qui ont pu apporter énormément d’effets positifs au fonctionnement des administrations publiques.

La seconde mission de la communication est liée aux changements de comportement des citoyens. On peut évoquer l’idée d’une communication de prophylaxie dans le cadre des campagnes de prévention en matière de santé (VIH, alcool, le diabète   covid 19…) ou de sécurité (routière, maltraitance, …) ou encore celles liées aux enjeux collectifs (développement durable, civisme, lutte contre les discriminations, …).

Enfin la communication gouvernementale vise aussi la promotion des organisations publiques. C’est l’ensemble de la communication des administrations en direction des usagers des services publics ou la communication plus institutionnelle.

Le numérique vient régler un problème crucial dans le fonctionnement des organisations publiques.

Les TIC règlent le problème de la transparence qui au cœur des exigences citoyennes. On parle ainsi de la transparence gouvernementale ou gouvernent ouvert.  Les TIC favorisent les processus de production des politiques, la communication et constituent un pilier incontournable pour la modernisation de l’administration publique.

La technologie facilite les relations entre l’État et les citoyens, mais aussi entre les organisations. Les administrations fiscale et judiciaire en connaissent les retombées.

Les administrations publiques cessent d’être performantes si elles n’ont pas la capacité de s’adapter aux situations nouvelles, ce qui les oblige à intégrer la technologie dans leurs processus de travail.

La pandémie covid19   est une occasion réelle pour mesurer le principe de l’adaptabilité des administrations publiques.

En effet, le télétravail une alternative à développer et encadrer pour d’autres situations. Dans la gestion de la pandémie du covid 19 beaucoup de services dans l’Administration publique ont privilégié le télétravail en période de confinement pour respecter le principe de la continuité du service public.

Le télétravail est une réponse appropriée pour éviter toute propagation du virus tout en assurant un service aux citoyens. Il confirme la place qu’occupe le numérique dans l’administration publique aujourd’hui illustrées, entre autres, par des conseils de ministres et des réunions en télétravail ou des autorisations de circuler délivrées en période de confinement. Pour mettre en évidence les résultats générés par le télétravail, Thomas Gerbet affirme « Les résultats soulignaient l’apport potentiel pour réduire les coûts sociaux associés au transport et pour contribuer à la croissance des revenus privés et gouvernementaux.

Parmi les avantages constatés par le CIRANO :

• Conciliation travail-famille
• Baisse des déplacements
• Hausse des heures travaillées

« Les bénéfices démontrés pourraient justifier l’instauration par les gouvernements de mesures favorisant le télétravail », écrit le CIRANO dans sa conclusion.

Sous ce rapport, les chercheurs recommandent aussi des politiques publiques qui pourraient prendre la forme d’aide financière, d’assistance technique ou de gestion.

Aux États-Unis, le gouvernement a créé une agence fédérale pour le déploiement du télétravail dans l’administration » (Gerbet, 2019).

On peut quand même se poser des questions sur l’avenir du télétravail dans le service public de nos pays tant la résistance au changement est immense, comme le soulignent BA et NDAO (2021), Hauts fonctionnaires sénégalais, dans un ouvrage de référence sur le pilotage de la performance dans les administrations publiques des pays de l’UEMOA.

Toutes les quatre caractéristiques énoncées plus haut connaissent de réelles difficultés que les usagers ne cessent de dénoncer dans les réseaux sociaux.    

Pourtant, au-delà de la communication, l’administration publique ne manque pas de moyens d’action de qui fondent toute sa spécificité par rapport à d’autres formes d’organisation au regard de la définition wébérienne de l’État.

L’administration publique, qui détient à la fois la communication et le monopole de la violence légitime, dans nos pays gagnerait à accompagner efficacement le pouvoir politique en l’orientant surtout dans ces contextes troublés de pandémie où son expertise est attendue sur les adaptations salvatrices.

Ce n’est qu’à ce prix qu’elle accroitra sa légitimité auprès des citoyens dont elle est redevable et des décideurs politiques qui doivent comprendre que son autonomie de pensée sert son objectivité et est favorable au développement.

Mouhamadou Sarr

Travailleur social, consultant en management public

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