Joe Biden au Moyen-Orient, du 13 au 16 juillet 2022 : l’analyse d’une tournée dans un contexte de guerre russo-ukrainienne

Du 13 au 16 juillet 2022, le président des Etats-Unis, Joe Biden a effectué une tournée au Proche et Moyen-Orient, dans un contexte marqué la guerre russo-ukrainienne dont les conséquences se sont très vite fait sentir dans la région moyen-orientale en particulier et à travers le monde en général. Ce périple s’inscrit dans la tradition de la politique étrangère américaine dans la région qui demeure un pré-carré de Washington depuis la signature des accords du Quincy le 14 février 1945, entre le président américain d’alors, Franklin Delano Roosevelt et le roi de l’Arabie saoudite, Abdel Aziz As-Saoud. Ces accords sont signés sur le principe connu sous l’appellation de « pétrole contre sécurité ». En effet, ces accords assurent au royaume wahhabite une protection militaire contre un accès privilégié à son pétrole en faveur des Etats-Unis qui, depuis lors, contrôlent cette région riche en hydrocarbure.Joe Biden s’engage à réaffirmer l’influence américaine sur le Moyen-Orient.

Espace carrefour entre trois continents, à savoir l’Europe, l’Asie et l’Afrique, ce qui en fait une zone tampon entre pays du Nord et pays du Sud, le Moyen-Orient jouit d’une grandeimportance géostratégique pour toutes les grandes puissances étrangères du monde, mais surtout pour les Etats-Unis qui considèrent cette région comme étant leur chasse gardée. Sa situation au cœur de la Méditerranée et son abondance en ressources énergétiques constituent des enjeux géostratégiquesde taille qui le valorisent et le spécifient dans l’environnement géopolitique mondial. En fait, la région compte de nombreux pays riches en ressources naturelles (pétrole, gaz, eau). Ces pays contribuent à la croissance économique des Etats-Unis de par le pétrole que les pétromonarchies leur fournissent, et le rôle de pivot stratégique et sécuritaire que joue Israël pour l’hyperpuissance américaine, dans sa politique étrangère, à travers cette région. Ces différents enjeux font de ce grand ensemble territorial un pivot géostratégique de la géopolitique contemporaine mondiale. A cet effet, le Moyen-Orientdemeure aujourd’hui une zone de convoitise et deconvergence des grandes puissances étrangères particulièrement occidentales. Mais il s’y note la présence de la Russie et de la Chine. Alors, au regard du contexte géopolitique mondial, actuel, cette région se présente comme le pivot de l’unipolarité, et Jérusalem en est l’épicentre stratégique pour tenir l’ordre mondial. Car Israël sert de levier politico-diplomatique et stratégique aux Etats-Unis dans leurs dynamiques diplomatiques et interventionnistes au Moyen-Orient. Autrement, si les Etats-Unis arrivent à tenir Israël par le contrôle de Jérusalem, ils arriveront de facto, à tenir tout le Moyen-Orient, et donc tout le monde entier. Ce point de vue s’analyse à travers la théorie du heartland de John HalfordMackinder. Dans cette théorie, celui-ci présente le monde comme un océan mondial abritant une île mondiale : pivot stratégique à tenir pour dominer le monde. En clair, l’idée développée par Mackinder s’exprime en ces termes : « qui tient l’Europe orientale tient l’Europe centrale, qui tient l’Europe centrale domine l’île mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde». Alors, c’est cette théorie qui s’applique à la géopolitique du Moyen-Orient, d’où l’idée selon laquelle « qui tient le Moyen-Orient, tient le Golfe arabo-persique, qui tient le Golfe arabo-persique contrôle l’Arabie saoudite et qui contrôle l’Arabie saoudite tient l’économie mondiale ». Depuis plus d’un demi-siècle, cette région demeure un pivot de la politique étrangère américaine.

I – Rappel historique

Si l’on part du contexte de la Première Guerre mondiale qui s’est déroulée à une période au cours de laquelle les Etats-Unis expérimentaient une politique isolationniste, on peut constater que ces derniers n’avaient pas manifesté leur intérêt pour le Moyen-Orient, avant ladite guerre. A l’époque, c’est l’empire Ottoman qui dominait la plupart des pays arabes, du XVIème siècle à la fin de la Grande Guerre, même si le Royaume-Uni et la France y avaient des zones d’influence fortes qu’ils tenaient depuis le début de la décadence dudit empire, au XIXème siècle. En effet, c’est à l’issue de la Seconde Guerre mondiale que les Etats-Unis se sont désormais ouverts à la région moyen-orientale pour laquelle ils ont réellement manifesté leur intérêt qui se matérialisegrâce à la signature des accords du Quincy, entre Washington et Riyad, en 1945. D’ailleurs, la région a été un enjeu de taille durant la Guerre Froide à la suite de laquelle les Etats-Unis sont devenus une hyperpuissance mondiale incarnant une hégémonie sur le reste du monde. Depuis 1945 jusqu’à nos jours, les différents présidents des Etats-Unis ont adopté une vision économique et sécuritaire au Moyen-Orient, en fonction des considérations géostratégiques et des rivalités idéologiques entre l’Est et l’Ouest. Cette posture des Etats-Unis s’inscrit dans une dynamique politique devant leur permettre de rester prépondérants, aux fins de contrôler les flux et ravitaillement du pétrole, de l’énergie stratégique pour leur développement socio-économique. En ce sens, les Etats-Unis ont cherché à tirer profit des bouleversements ou de lanouvelle reconfiguration des rapports de force, à l’issue de la Guerre Froide ayant causé la disparition de l’Union Soviétique qui demeurait leur seule rivale à bien des égards, notamment dans les domaines politique, économique et militaire.

Par ailleurs, le Pacte du Quincy, axé sur le principe de« pétrole contre sécurité » a ouvert et connecté les Etats-Unis aux Etats du Moyen-Orient. Cela peut se justifier par les liens politiques, économiques, diplomatiques et stratégiques queWashington entretient avec les Etats membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), à savoir l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et Oman,d’où la participation de Joe Biden au sommet de l’Organisation des pétromonarchies arabes, tenu le 16 juillet 2022, à Djeddah, sur la problématique de la sécurité et du développement. D’ailleurs, une telle rencontre n’est pas une première ; dans le passé, il s’est tenu plusieurs sommets du genre, entre les Etats-Unis et le CCG, tels que ceux organisés le 14 mai 2015, à Camp David, aux Etats-Unis, et les 21 avril 2016 et 21 mai 2017 à Riyad, en Arabie saoudite.

Depuis 1991, l’hégémonie et l’influence américaines sur le reste du monde se jouent au Moyen-Orient. Les différents présidents des Etats-Unis ont toujours prêté une attention particulière à la région. A preuve, Bill Clinton a effectué unetournée dans la région en octobre 1994, au cours de laquelle, les questions de paix, de sécurité et de croissance économique étaient au cœur de son agenda. Il sied de rappeler que ce voyage de Clinton est intervenu juste un an après la signature des accords d’Oslo, le 13 septembre 1993. Aussi, George W. Bush (fils) s’est-il rendu en tournée dans la région, ennovembre 2006. Lors de ce voyage, Bush a participé à unsommet tripartite entre les Etats-Unis, la Jordanie et l’Irak, portant sur la problématique de la sécurité sur le territoire irakien. A noter que l’Irak était alors, dans un contexte deguerre que les Etats-Unis y ont menée depuis 2003, jusqu’à l’arrestation de Saddam Hussein au Nord de Bagdad, le 13 décembre de la même année, par les forces américaines, au terme de près de neuf mois de traque. Ce dernier a finalement été tué par pendaison, le 30 décembre 2006. Dans la foulée, George W. Bush (fils) a également effectué un voyage en Irak en décembre 2008. Le souvenir que l’on peut retenir de ce voyage de Bush est la tentative d’agression, de la part d’un journaliste irakien du nom de Mountazer Al-Zaïdi, par des jetsde ses deux chaussures, dont il a fait l’objet et qu’il a réussi à esquiver au cours d’une conférence de presse, en compagnie du Premier ministre irakien d’alors, Nouri Al-Maliki, le 14 du même mois. Cette agression ratée exprime un sentiment anti-américain qui prévalait en Irak, sous occupation américaine, depuis l’intervention militaire des Etats-Unis dans le pays, en 2003, dans le but de mettre fin au régime de Saddam Hussein, accusé de détention d’armes de destruction massive, et d’avoir été en contact avec le célèbre réseau terroriste, Al-Qaïda qui serait présent dans le pays, et à qui la perpétration des attentats du 11 septembre 2001, est attribuée.

En sus, Barack Obama, a également effectué une tournée dans la région en 2009, lorsqu’il a tenu son historique discours, titré « un nouveau départ », à l’université du Caire, le 04 du même mois. En cette période, les relations entre les Etats-Unis et le monde musulman en général, et les Etats arabes du Moyen-Orient, en particulier, étaient heurtées, à cause d’une instrumentalisation de l’islam par des musulmans endoctrinés, autoproclamés djihadistes et qui s’adonnent, de par leur comportement extrémiste, radicaliste et violent, à des actes terroristes. Le bouleversement des relations américano-arabes est aussi dû à une mauvaise interprétation de cette religion universelle, pourtant naturellement noble, avec ses valeurs detolérance, de vivre ensemble, de partage et d’entraide

Quant à Donald Trump, il n’a pas dérogé à cette traditionpolitico-diplomatique et stratégique des Etats-Unis dans la région. En fait, le quarante-cinquième président américain aentrepris un voyage, en Israël et en Arabie saoudite, en mai2017. Lors de ce voyage, le président des Etats-Unis a participé à un sommet des dirigeants arabes et musulmans, tenu à Ryad, le 21 du même mois, au cours duquel il a exhorté les pays arabo-musulmans à joindre leurs forces en vue de faire front contre l’Iran et l’organisation de l’Etat Islamique. A ce sommet, a été invité l’ancien président soudanais, Omar el-Béchir à y prendre part, alors qu’il est sous le coup de deux mandats d’arrêts internationaux, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, au Darfour. A noter que cette région située à l’Ouest du Soudan est minée par des affrontements interethniques violents, depuis le début des années 2000, qui persistent toujours. Au surplus, Trump s’est investi à la normalisation des relations entre Israël et quatre Etats arabes, à savoir les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan, par la signature des accords dits d’Abraham, le 15 septembre 2020. En effet, il s’agit d’une série de protocoles qui entérinent le lancement des interactions entre l’Etat hébreu et ces pays arabes qui remettent en cause son existence, depuis sa création le 14 mai 1948, jusqu’à la normalisation de leurs relations.

Alors, Joe Biden reste sur la même logique de politique étrangère américaine, dans l’espace régional moyen-oriental, au regard de l’intérêt qu’il donne à sa tournée du 13 au 16 juillet 2022, au Moyen-Orient, dans un contexte marqué par la guerre russo-ukrainien et les conséquences de la crise sanitaire mondiale. Cette tournée de Biden est ponctuée par la signature entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, de 18 accords de coopération dans plusieurs domaines, à savoir spatial, financier, énergétique et sanitaire, et sa participation au sommet du CCG le 16 juillet, à Djeddah, dans le royaume wahhabite, dans le cadre du partenariat et de la coopérationéconomiques et sécuritaires entre Washington et les pétromonarchies arabes. En outre, Joe Biden a participé à un sommet virtuel, tenu sous un format dénommé en anglais« I2U2 » signifiant : (India, Israel, US and United ArabEmirates), avec les dirigeants d’Israël, Yaïr Lapid, de l’Inde Narendra Modi et des Emirats arabes unis, Mohammed Ben Zayed Al-Nahayan. Le séjour de Biden en Israël reste marqué par la signature d’un document dénommé « la déclaration de Jérusalem » le 14 juillet 2022. Cette déclaration détermine clairement la position diplomatique des Etats-Unis au Proche-Orient, et leur l’engagement à garantir la sécurité de l’Etat hébreu. En effet, l’hyperpuissance américaine s’engage à utiliser autant que possible sa puissance stratégique et militaire pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.

Toutefois, Biden privilégie toujours la solution diplomatique avec l’Iran. A cet effet, il reste dans une logique de négociations entre les grandes puissances et Téhéran, afin de rassurer que le programme nucléaire iranien reste purement civil. Cependant, il semble mettre en branle l’arsenal stratégique américain, pour mettre la pression sur l’Iran, avec le maintien des sanctions économiques et diplomatiques qui pèsent lourdement sur Téhéran, en crise socio-économique depuis plusieurs années.

A Jérusalem, des partenariats entre les Etats-Unis, Israël, l’Inde et les Emirats arabes unis sont annoncés par Jeo Biden,dans le but de contrecarrer la Chine, engagée dans sa politique commerciale de « nouvelles routes de la soie » que Pékin meten œuvre depuis des années déjà, par la construction d’infrastructures de transport (routes, ports, aéroports) dans plusieurs pays à travers le monde, tel qu’au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est, en Afrique de l’Est et du Nord, etc. Aussi, a-t-il annoncé la mise en œuvre de politiques agricoles permettant aux Emirats arabes unis d’investir deux milliards d’euros, en Inde qui leur fournira des terres, et les secteurs privés américain et israélien seront utiles et sollicités à cette fin. Ce rappel permet de définir les tendances lourdes qui déterminent le contexte de la tournée.

II – Contexte du voyage

Le périple de Joe Biden est intervenu dans un contexte de guerre russo-ukrainienne dont les conséquences ont déjà eu un impact réel sur les activités socio-économiques internationaleset surtout sur la croissance de l’économie mondiale qu’elles bouleversent de plus en plus. Qui plus est, il sied de noter que le monde ne s’est pas encore relevé de la crise financière et économique mondiale, partie des Etats-Unis, avec la crise des subprimes en 2007.

Au surplus, le contexte est marqué particulièrement, par le conflit israélo-arabe devenu israélo-palestinien, avec desregains de tensions depuis le début du mois janvier 2022. En effet, depuis la reconnaissance de Jérusalem par les Etats-Unis, comme capitale d’Israël, le 14 mai 2018, les hostilités ne cessent de monter entre Israéliens et Palestiniens. A cela,s’ajoute le conflit américano-iranien sur fond du programme nucléaire iranien, avec le refus de l’Iran que l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) contrôle ses sites nucléaires. A cet effet, le 10 juin 2022, les Iraniens ont désinstallé 27 caméras installées dans lesdits sites, afin que lequel programme reste sous leur seul et unique contrôle. Ce qui rend difficile les négociations autour du dossier relatif au nucléaire iranien.

Par ailleurs, Joe Biden a entrepris son voyage en pleine crise politique, en Israël, depuis la tenue des législatives d’avril2019. Cette crise marque un tournant particulier de l’histoire politique de l’Etat hébreu, avec la tenue d’élections générales à plusieurs reprises, sans pouvoir départager les différents partis ou coalitions politiques engagés dans la compétition.D’ailleurs, le pays s’achemine vers la tenue de nouvelles élections législatives en septembre 2022, pour la cinquième fois, en trois ans. En outre, il se note les relations américano-saoudiennes qui semblaient être dans une froideur ou une ambiguïté, depuis l’assassinat du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi en 2018, au consulat d’Arabie saoudite, à Istanbul. Le prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salman est soupçonné et accusé d’avoir commandité cet acte meurtrier. C’est cet incident qui a poussé Joe Biden, alors candidat du parti des Démocrates aux élections présidentielles américaines, à tenir des propos déplacés à l’endroit de l’Arabie saoudite, lors de la campagne électorale aux Etats-Unis. En clair, il avait promis de faire de l’Arabie saoudite un paria sur la scène internationale. Ainsi, suite à son accession à la Maison Blanche, le 20 janvier 2021, il s’est engagé à déclassifier le rapport de la CIA sur le meurtre de Jamal Khashoggi, une question sur laquelle son prédécesseur Donald Trump était moins actif. Le Moyen-Orient n’a pas connu de visite d’un président des Etats-Unis depuis le conflit entre le Qatar et l’Arabie saoudite, soutenue par ses alliés du Golfe(Emirats arabes unis, Bahreïn, Yémen) et l’Egypte, qui a prévalu de juin 2017 à janvier 2021. Au sujet de ce conflit, Washington est resté en retrait durant toute la durée dudit conflit qui a pris en étau ce petit émirat de la région. Ce conflit a exacerbé les hostilités entre l’Arabie saoudite et l’Iran sur fond de rivalités entre sunnites et chiites. Alors, c’est juste un peu plus d’un an, après le rétablissement des relations diplomatiques, économiques et stratégiques entre le royaume wahhabite et le Qatar, le 05 janvier 2021, que Joe Biden a effectué cette tournée. Toutefois, cette réconciliation n’a pas empêché la consolidation des liens entre le Qatar et l’Iran, se symbolisant par la visite de l’émir qatarien, Cheikh TamimBen Hamad Al-Thani, à Téhéran, le 12 mai 2022.

Il y a eu une série de rétablissements de relations interétatiques dans la région, telle que la réconciliationdiplomatique entre les Emirats arabes unis et l’Iran, acté lors de la visite du conseiller émirati à la sécurité nationale, Sheikh Tahnoun Ben Zayed, en Iran, le 06 décembre 2021. Les Emirats arabes unis ont également rouvert leur ambassade à Damas en 2018, après l’avoir fermée durant 07 ans. En sus, le ministre des Affaires étrangères émirati, Abdallah Ben Zayedal-Nahyane, à la tête d’une délégation, a été reçu par leprésident syrien, Bachar el-Assad, à Damas, le 09 novembre 2021. Ensuite, celui-ci s’est rendu en visite aux Emirats arabes unis, le 18 mars 2022, une première depuis 2011. Aussi, y a-t-il la réconciliation diplomatique entre le Qatar et l’Egypte, actée lors de la visite de l’émir qatarien en Egypte, le 24 juin 2022, après le conflit diplomatique du Golfe. Le rétablissement des liens interactionnels entre la Turquie et l’Arabie saoudite, après une brouille causée par l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en Turquie, réalisé avec les voyages d’Erdogan et de Mohamed Ben Salman, respectivement en Arabie saoudite, le 28 avril 2022 et en Turquie, le 22 juin 2022, entre dans le même contexte. Enfin, se note le rapprochement entre l’Egypte et la Turquie, intervenu lors des pourparlers turco-égyptiens, organisés au Caire, le 07 mai 2021.

Sur la sphère géopolitique mondiale, la tournée de Joe Bidenpeut se lire sous le prisme de la guerre russo-ukrainienne et ses corollaires s’illustrant par des pénuries énergétiques, cherté de la vie à travers le monde en général, et notamment, au Moyen-Orient. Ces incidences viennent s’ajouter au terrorisme, aux nombreuses guerres telles que syrienne, libyenne, yéménite, à l’émigration illégale, au trafic illicite, à la piraterie maritime, etc. qui touchent de plein fouet la région. En clair, la guerre russo-ukrainienne a bloqué le monde avec son impact sur l’économie mondiale, surtout dans lesdomaines du transport aérien et maritime, du commerce international, etc. Qui plus est, les sanctions économiques qui s’abattent sur la Russie, bouleversent la croissance économique mondiale. Par conséquent, ladite guerre a déjàengendré la famine à travers le monde, à cause du blocage dublé dans des ports ukrainiens au niveau de la mer Noire ; la Russie et l’Ukraine étant respectivement les première et quatrième exportatrices de cette denrée alimentaire, au monde. Alors que, le monde ne s’est pas encore remis de la crise sanitaire causée par la pandémie du covid-19 qui a tant miné l’environnement économique international, et bouleversé ainsiles activités socio-économiques, à travers la planète. A ces conséquences précoces, s’ajoute l’égalité survenue entre le dollar et l’euro depuis le 12 juillet 2022. Ce qui a un impact sur les économies des pays de la zone euro. Parmi les conséquences immédiates de cette parité, figure en bonne place la cherté des transactions en dollars. Alors, la facture énergétique pèse sur le déficit commercial de l’Europe qui souffre déjà des retombées de ladite guerre.

Alors, la tournée de Joe Biden s’inscrit dans une logique deprésentation de la nouvelle vision américaine du Moyen-Orient pour les années à venir, car la région comporte de nombreux enjeux de taille qui évoluent et se déterminent selon les nouvelles reconfigurations géostratégiques et les contextesqui caractérisent sa géopolitique.

III – Enjeux du voyage

Les enjeux de la tournée sont de plusieurs ordres. En effet, Joe Biden s’est inscrit sur une dynamique de redéfinition de la nature et des nouvelles bases des relations américano-saoudiennes, pour un repositionnement des Etats-Unis au Moyen-Orient, de par un renforcement de la diplomatie américaine dans la région. A cet effet, l’administration Bidendoit procéder à la consolidation des liens diplomatiques, stratégiques et sécuritaires avec Israël se présentant comme la tour de contrôle de la sécurité de l’hyperpuissance américaine dans l’espace moyen-oriental. L’Etat hébreu permet aux Américains d’exercer leur leadership économique et stratégique à travers tout le Moyen-Orient où les Etats-Unis restent toujours puissants et influents dans tous les domaines qui déterminent la géopolitique contemporaine régionale, voire mondiale.

Cette tournée est la première du genre qu’un chef d’Etat américain a effectué dans la région, depuis le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, le 14 mai 2018, et la signature des accords de normalisation israélo-arabes, à savoir les accords d’Abraham. Alors, elle garantit les sources d’approvisionnement énergétique, la redynamisation des interactions politico-économiques et stratégiquesaméricano-arabes et le redéploiement politico-stratégiques des Etats-Unis, en vue de la mise en œuvre du projet américain de Grand Moyen-Orient. En outre, le périple constitue un facteur de consolidation des acquis démocratiques. Cependant, Bidenest très critiqués à son retour aux Etats-Unis, à cause de son « check » en guise de salutation avec le prince héritier saoudien, à son arrivée au palais As-Salman, à Djeddah, en Arabie saoudite, le 15 juillet 2022. C’est dans cette ville que le président américain a pris part au sommet élargi du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), avec la participation de l’Egypte, de l’Irak et de la Jordanie. Cette dynamique nécessite des perspectives politiques et stratégiques à développer pour le rayonnement de la diplomatie états-unienne dans la région.

IV – Perspectives politiques et stratégiques des Etats-Unis au Moyen-Orient

Les nouvelles configurations géopolitiques amènent les Etats-Unis à développer des politiques stratégiques, en vue de maintenir leur suprématie et influence sur la région. A ceteffet, ils se sont inscrits dans une perspective leur permettantde contenir la Chine qui s’investit dans une dynamique de politique commerciale dite des « nouvelles routes de la soie » pour asseoir sa croissance économique. Les Etats-Unis renforcent leurs liens politiques, économiques, diplomatiques et stratégiques avec les Etats membres du CCG. Ce qui va dans le sens de la redéfinition d’une nouvelle vision américaine du Moyen-Orient, basée sur le dialogue et la coopération économique et militaire. Cette approche renvoie au suivi des accords de normalisation dits d’Abraham, dans lesquels Washington souhaiterait embarquer l’Arabie saoudite, en consolidant ses liens avec le royaume wahhabites. L’administration américaine s’est toujours montrée déterminée à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.

Au cours de sa tournée, Joe Biden a promis un soutien financier de la part des Etats-Unis, à hauteur d’un milliard de dollars, en aide alimentaire « à court et à long terme » aux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Car ces pays,à l’image de la plupart des pays du monde, sont affectés par la guerre russo-ukrainienne qui entrave les dynamiques économiques dans le contexte de la mondialisation. Aussi, affirme-t-il sa volonté et engagement à faire baisser le prix du pétrole et enrayer la volatilité de ce prix qui pèse lourdement sur l’économie mondiale. Pour ce faire, il s’engage à promouvoir la vision américaine du Moyen-Orient. En ce sens, un accord a été conclu entre les Etats-Unis et la Jordanie,consistant à apporter au royaume hachémite, une assistance financière de 1,45 milliard par an, à partir de 2023 et jusqu’en 2029. Joe Biden a multiplié des contacts bilatéraux en marge du sommet élargi du CCG, allant dans le sens de consolider les liens de partenariat et de coopération économique et stratégique entre les Etats-Unis et leurs alliés du Golfe arabo-persique. En ce sens, le président américain a solennellement invité son homologue des Emirats arabes unis, en la personne de Mohamed Ben Zayed, à se rendre aux Etats-Unis, après des relations froides entre Washington et Abu Dhabi. La cause de cette froideur diplomatique est due au fait que les Emirats arabes unis ont refusé de condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie, depuis le 24 février 2022. En effet, Abu Dhabi a opté pour cette posture à propos de la guerre russo-ukrainienne, dans le but de tenter de trouver un équilibre stratégique entre ses différents partenaires, à savoir les Etats-Unis, la Russie et la Chine, alors que Moscou et Pékin sont des rivaux, voire des ennemis de Washington dans la région moyen-orientale. Cela renseigne sur l’importance du Moyen-Orient qui voit la présence des Etats-Unis depuis 1945, jusqu’à nos jours, une présence qui se fortifie de plus en plus.

V – Ce qu’il faut retenir de la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient, des origines à nos jours

Dans le cadre de leur politique étrangère, les Etats-Unis accorde une attention particulière au Moyen-Orient qui demeure une zone de convoitise et de convergence de la quasitotalité des grandes puissances. Mais c’est l’hyperpuissance américaine qui domine la région depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dont l’issue constitue la phase transitoire de la politique des Etats-Unis, à savoir leur passage de l’isolationnisme à l’interventionnisme. Le Moyen-Orient est le terrain qui symbolise l’interventionnisme américain, d’où cette région d’être la zone de prédilection de l’hyperpuissance, au regard des évolutions géopolitiques de ladite région. En clair, les Etats-Unis y trouvent un intérêt qui se réalise et se perpétue à bien des égards. Il convient de noter que c’est le pétrole qui au cœur de la diplomatie américaine dans la région. C’est pourquoi Washington opte pour une ligne de conduite constante, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique étrangère américaine dans la région. A preuve,depuis 1945, jusqu’à aujourd’hui, les différents régimes qui se sont succédé aux Etats-Unis sont toujours sur la même longueur d’onde, sur les questions phares du Moyen-Orient, tels que le conflit israélo-palestinien, le processus de paix dans la région, le conflit américano-iranien, la coopération entre Washington et les pétromonarchies du Golfe, la lutte contre le terrorisme dans ce vaste ensemble territorial, la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme et la lutte contre la mauvaise gouvernance et la corruption qui caractérisent les régimes en place. Au regard de l’importance de ses enjeux, le Moyen-Orient se présente en terrain de rapports de force entre puissances. Ces rivalités conduisent la région dans des conflits armés en permanence. Alors, survenue dans un contexte de guerre russo-ukrainienne, la tournée de Joe Biden au Moyen-Orient s’inscrit dans une dynamique de repositionnementstratégique des Etats-Unis permettant de recadrer la politique étrangère américaine dans l’environnement géopolitique moyen-oriental.

Par
Souleymane BA, spécialiste de la Méditerranée et du Moyen-Orient
Expert-consultant en relations internationales et stratégiques et en analyse géopolitique et diplomatique
Associé au Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques de Dakar
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