19 septembre 2024

Seneinfo

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Le paradoxe de l’information (Par El Hadji Thiam)

Ça fait longtemps que j’écris des articles d’opinion dans la presse. Mes contributions ont été publiées dans des médias en ligne comme Senenews, Sept Afrique, Sene Info entre autres. Une manière pour moi de donner certes mon point de vue sur des sujets qui me passionnent; mais, vue sous cet angle, j’ai reconnu que c’est possible de me tromper moi-même sur ce que j’écris. La réputation de ce que je prononce à l’écrit est dans ce cas mis à l’épreuve, peut-être, par mes croyances ou une certaine subjectivité.

Certains chercheurs pensent que la réputation de l’information est un pilier essentiel de l’intelligence collective. Je partage évidemment cette version. A l’heure de la mobilité des connaissances de toutes sortes, de l’information rapide et de surinformation, des temps hyper-médiatisés, il est paradoxal d’inhiber l’information telle qu’elle soit. L’information fait partie du jeu collectif de mis en garde, de la rétroaction selective, de la mise en scène terrible des actions humaines. Informer de ce que nous faisons dans une perspective de dérouler le paradigme de l’ère de l’information – mais opposée à l’ère de la réputation – peut être un problème. Cette prudence est importante à observer.

Qu’es-ce que la réputation alors ? Peut-on dire qu’une information est réputée parce que le réseau social qui le soutient est réputé ? Possible paradoxe. En effet, l’un des paradoxes de l’information est qu’elle nous rend par moments stupides – vu que nous sommes dépendants des jugements des autres, des évaluations peut-être subjectives des autres, de leurs humeurs et de leur goût. Néanmoins, nous avons tous des raisons de croire qui nous poussent à admirer, à se laisser convaincre, manipuler par autant de versions. Nous allons vers la connaissance de cette réalité tous les jours; nous souhaitons en même temps être informés par des sources peu crédibles sans tester leur réputation. La manipulation nous intéresse peu lorsqu’on veut croire à une version. Qui sommes-nous ?

Cette lecture me fait penser à la raison de croire que les médias ont distillé : comme quoi le Sénégal est un pays démocratique ou que les États-Unis sont l’exemple de démocratie la plus sincère. Selon le livre de Frederick Hayek Law, Legislation and Liberty (1973), « la civilisation repose sur le fait que nous bénéficions tous de connaissances que nous ne possédons pas ». Un cybermonde civilisé sera celui où les gens sauront comment évaluer de manière critique la réputation des sources d’information et pourront renforcer leurs connaissances en apprenant à évaluer de manière appropriée le « rang » social de chaque élément d’information qui entre dans leur champ cognitif. Ce à quoi un citoyen mature de l’ère numérique devrait être compétent, ce n’est pas de repérer et de confirmer la véracité des nouvelles. Au contraire, il devrait être compétent pour reconstruire le chemin de la réputation de l’information en question, évaluer les intentions de ceux qui l’ont diffusée et déterminer les agendas des autorités qui lui ont donné une certaine crédibilité.

El Hadji Thiam est professeur à l’EDI, et est titulaire d’un certificat international en Journalisme digital de RDSj(Reuters Digital Study of journalim)