Reportage – Business du porc : Immersion au marché Bignona de Grand Yoff

Le business autour du porc emploie beaucoup de personnes au Sénégal. Même si la population est essentiellement composée de musulmans, il y parmi la minorité chrétienne de grands consommateurs du “kor niania”, entendez par là la viande de porc. Dans ce deuxième numéro de votre magazine Dynamics, la rédaction s’est déplacée au marché Bignona de Grand-Yoff, principal lieu de la capitale, où on abat, prépare et vend la viande de porc.
A quelques mètres des lieux, on aperçoit les gros morceaux de viande étalés sur les tables. Plus près, on voit aussi des têtes de porc bien rasés, des pâtes, des côtelettes et autres parties de l’animal déjà tué et dépecé. Une odeur de viande grillée embaume l’atmosphère. En plus des vendeurs de viande crue, d’autres assaisonnent et mettent des morceaux de viande sur des grillages posés sur des fourneaux. Ils vendent de la viande cuite. Quand nous nous adressons au vendeur juste devant nous, il nous fait savoir qu’il y a un délégué du marché et que c’est à lui que nous devons parler. Mais ce dernier n’était pas sur place. Son adjointe qui n’a pas voulu se prononcer, nous renvoie vers une autre vendeuse qui accepte d’échanger avec nous sur le business du porc.
Elle se nomme Fatou Mbaye. La dame de la quarantaine a le teint clair. Elle est musulmane, mais c’est ce qu’elle a trouvé comme travail, nous dit-elle. « Nous achetons les porcs dans différentes localités du Sénégal. A Fatick, Kaolack, Mbour, Thiès, Koussanar, Richard-Toll, Passy et même jusqu’à Karang. Après, nous louons des voitures pour les transporter vers Dakar. Une fois à Dakar, on paie aux abatteurs qui font leur boulot. Avant de venir exposer la viande ici”, déclare-t-elle d’emblée. Côté revenus, “parfois on s’en sort, parfois on se retrouve sans bénéfice”, confie-t-elle. Toutefois, Fatou Mbaye affirme qu’avec cette activité, elle arrive à subvenir à ses besoins ; même si elle semble ne pas vouloir avancer sur des chiffres. Elle nous a révélé par ailleurs que c’est à la fin du mois et en période de fête que la clientèle est beaucoup plus nombreuse.
Il faut comprendre qu’à Bignona, on n’y garde le troupeau de porcs juste le temps de les vendre. Les éleveurs se trouvent dans ces différentes régions du Sénégal, citées par notre première interlocutrice. Un porc entier (vivant) peut coûter jusqu’à 150 000 F CFA. Mais aussi le prix peut baisser jusqu’à 15 000 F CFA en fonction de la race et bien d’autres critères de l’animal. Pour la vente de viande en détail, le kilogramme coûte 2 500 F CFA. Un prix qui ne varie pas, à en croire Diégane, notre deuxième interlocuteur.
De teint noir et d’une corpulence assez importante, Diégane doit avoir dans les 50 ans. « Quand nous achetons les porcs dans les régions, nous les amenons ici pour les entretenir le temps de les vendre. Nous achetons le Niamou Mbam (restes de nourriture de toutes sortes, destinés à l’alimentation des porcs). Parfois nous partons nous-même en chercher. Mais quand on doit entretenir les bêtes et vendre la viande, on n’a pas le temps pour aller chercher le Niamou Mbam. Nous sommes donc obligés d’en acheter chez les gens qui en font leur travail. Ces gens dont il parle, sillonnent au quotidien les quartiers de la capitale, à la recherche de restes de nourriture. Vous les avez certainement aperçus au moins une fois, avec leurs récipients, parcourant les rues de Dakar.

Après notre échange avec Diégane, nous avons fait cap sur l’abattoir. C’est un bâtiment qui se trouve à quelques pas du marché. Arrivés sur les lieux, pas la peine de demander où on se trouve, le décor parle de lui-même. Du sang par-ci, des poils de porc par-là, du matériel d’abattage visible partout. Nous avons rencontré sur place un jeune abatteur répondant au nom de Aloïse. Il nous apprend qu’ils avaient fini de travailler aujourd’hui. Ses habits tachés de sang, il est un peu réticent au début quand nous lui demandons de nous parler de son job. Mais il finit par accepter de se confier. “En temps normal, j’abats et dépèce juste un à deux porcs dans la journée. Mais en période de fête, je peux avoir jusqu’à 10 bêtes par jour. On me paie 2 500 F CFA pour chaque tête », confie le jeune homme de teint noir qui doit avoisiner les 20 ans. Que se soient l’éleveur, l’abatteur, le vendeur de viande ou encore le livreur de Niamou Mbam, le business du porc est une activité plus ou moins rentable. Même si nous n’avons pas rencontré de riches parmi nos interlocuteurs, on peut dire que c’est un métier qui nourrit son homme.

Coumba Ndoffène Diouf