WAXTAAN KOOM-KOOM : les défis d’un nouveau Grand récit

Dans le cadre du lancement de la plateforme WAXTAAN KOOM-KOOM, La Faseg a vibré au rythme d’échanges très nourris sur l’Afrique grâce à d’éminents économistes, en l’occurrence le Dr Ndongo Samba Sylla et le professeur Cheikh Oumar Diagne. Cette rencontre fût également une belle occasion pour les membres de la dite plateforme, à travers la coordinatrice Ndeye Fadiaw Diagne,d’inciter les autres camarades étudiants à se lancer dans la production d’un nouveau récit pour façonner et révolutionner les esprits autour de l’usage de la monnaie et ses implications.

L’Afrique est le continent du futur. Tel est le discours qu’on tient tranquillement partout. Un discours qui a tout l’air de plaire, mais qui cache en même temps la réalité. Il s’agit de reconnaître que le destin de l’Afrique de demain ne saurait “se prédire” de la même façon qu’on invoque les esprits pour parler de la vie de quelqu’un. Notre continent est en effet confronté à de nombreux défis économique, politique et démographique. Ceci a été rappelé par les deux économistes invités à prononcer une conférence autour de la problématique de la résilience et d’adaptation des économies africaines.

Après avoir rappelé les diverses déclinaisons du terme révolution, les deux économistes ont dans un jeu de parole mûri leur brillante réflexion en insistant sur les difficultés empiriques auxquelles sont confrontés ces économies africaines. Pour le professeur Cheikh Oumar Diagne, les économies africaines sont largement dépendantes, et leur faible structuration entraîne irréversiblement une insoutenabilité économique – par exemple dans les domaines où le continent aurait du miser pour se mettre en concurrence avec les autres puissances comme la Chine et les États-unis. On sait clairement que ces deux puissances ont doublé leur commerce en Afrique et investissent massivement dans les secteurs porteurs de grande réussite au profit de leurs entreprises.

Sans être catégorique, pour lui, les Africains sont en retard dans les domaines les plus stratégiques actuellement, notamment dans l’écosystème numérique mondial ainsi que dans le domaine de l’espace et de l’armement militaire de dernière génération. En juin dernier par exemple, un pays de l’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal, a fièrement commandé la construction d’un centre de données numériques à  Diamniadio. L’installation de 506 mètres carrés qui a coûté 18, 2 milliards de dollars a été garantie par un prêt chinois et construite par Huawei. Ce qui en dit long sur la souveraineté numérique de nos Etats. Dans le même temps, il observe que toutes les économies africaines reposent sur l’agriculture. L’agriculture constitue pour ainsi dire l’épine dorsale de l’économie africaine. Elle fournit plus de 80% de l’approvisionnement alimentaire. Cependant, c’est un secteur en difficulté car étant sous concurrence, et sa vulnérabilité croissante affectera la distribution et des chaînes d’approvisionnement.

Très récemment, la GCA et la BAD ont uni leurs efforts pour développer le programme d’accélération de l’adaptation en Afrique, qui a mobilisé plus de 25 milliards de dollars afin de réduire la malnutrition et soutenir un million de jeunes. Le professeur Cheikh Oumar Daigne à ainsi dépeint un tableau sombre de l’Afrique d’aujourd’hui, qui ne cesse de s’insérer dans un dispositif néocolonial pour espérer de développer ses économies. Le sommet UE- UA de Bruxelles des 17 et 18 février en est un exemple éclatant à ses yeux. Il est clair que les Européens ne comptent pas lâcher le continent pour des raisons à la fois économiques et politiques.

En effet, après la deuxième guerre mondiale, les Etats européens se sont démenés pour préserver leurs empires en Afrique, et c’est ce même dispositif qui a façonné nos relations avec l’Europe pendant que la communauté économique européenne( CEE) a survécu au temps de la nouvelle alliance de Lisbonne, en 2007. Le sommet de Lisbone en 2007 a permis de conjuguer les efforts des européens et des africains en réaction à ceux qui disaient que l’Afrique est toujours sous le contrôle de l’Europe. Par conséquent, l’Afrique et l’Europe présentent les mêmes défis dans le nouvel ordre international dessiné par Lisbone. Une analyse biaisée bien évidemment.

Par ailleurs, les échanges ont également tourné autour de la question de la souveraineté monétaire africaine. Le Dr Ndongo Samba Sylla a largement expliqué ce qui fait aujourd’hui les avantages de la monnaie unique au sein l’espace Uemoa par exemple, ou de la monnaie nationale solidaire. La souveraineté monétaire est, selon lui, une étape importante pour la réalisation de performances économiques durables et soutenables. Il a en même temps analysé les indices de performances actuelles en Afrique malgré des économies qui croulent sous le poids de la dépendance extérieure et de la dette.

Ainsi, nous pouvons dire que le bilan de la journée demeure très positif et que les réactions des uns et des autres ont permis de stimuler la réflexion des universitaires. Pour son lancement, les membres de la plateforme ont de la sorte choisi la voie de la recherche et de l’innovation sociale pour marquer les esprits. Il s’agit bien évidemment de proposer un modèle de production économique ancré dans nos réalités et un espace de dialogue et d’émulation intellectuelle à tous les acteurs de la vie économique et sociale. La ville de Touba demeure l’épicentre de leurs expériences communes.

El Hadji Thiam enseigne actuellement à l’université EDI, école dentaire internationale. Il est également chroniqueur indépendant et a écrit pour Senenews et d’autres médias. Il a accompagné plus d’une vingtaine d’associations au Sénégal.